Débrief du Prix de Belgique : des confirmations, et des inquiétudes

Le Prix de Belgique a livré son verdict ce dimanche, à 15 jours d'un Prix d'Amérique sans doute plus ouvert que jamais. Si Bird Parket et Readly Express ont confirmé leurs moyens, Bold Eagle en revanche nous a laissé (encore) sur notre faim. Retour. 

Soyons honnêtes, sur ce coup, on ne pensait vraiment pas voir Bird Parker courir sa chance à fond, ferré, à 15 jours de l'Amérique. Ceci dit, Philippe Allaire avait prévenu que le cheval ferait sa course et jouerait au moins le podium. Dont acte. 

Venu assez vite en tête, à la faveur encore une fois d'un excellent départ, et c'est bien ça qui fait sa nouvelle grande force à présent, le fils de Ready Cash a mené à un rythme régulier sans être super élevé pour ces champions, et il n'a eu qu'une seule attaque à contrer, celle de Bold Eagle, qu'il a repoussée jusqu'au bout. Second succès en 4 B cet hiver pour le champion de Philippe Allaire,qui, s'il part encore aussi bien dans l'Amérique, pourra jouer mieux qu'une place, et en tous les cas beaucoup mieux que ce à quoi on pouvait s'attendre en début d'hiver. Mais son passage dans le Tour Européen lui a redonné un vrai mental de guerrier, de la vitesse aussi. Bref, c'était une idée magistrale de la part de Philippe Allaire de le courir cet automne un peu partout en Europe. La vraie révélation du meeting, c'est lui ! 

Readly Express confirme aussi

L'autre confirmation, évidemment, c'est Readly Express. Lent au départ, à moitié accroché avec Call Me Keeper, il s'est retrouvé au dernier rang à la corde en plaine, avant de prendre ensuite le wagon de 3, emmené par Carat Williams (une nouvelle fois décevant lui). Dans la ligne droite, il fut le seul à refaire du terrain, beaucoup, sur les deux premiers, laissant la meilleure impression de la course. Soyons honnêtes, on a émis des réserves (moi le premier) sur sa capacité à être très performant le jour J. Disons qu'il y en a un peu moins après cette ligne droite sur le pied (a priori) de 1'05. Est-ce que cela suffira à le propulser en tête de nos favoris pour la belle ? La réponse est non, mais il sera en bon rang dans notre papier final de l'Amérique. 

Bold, Eagle moins fort 

On a regardé la course de Bold plusieurs fois, on a aussi pris le temps de revoir ses courses de l'hiver dernier, et même de celui d'avant, car on veut en avoir le coeur net : Bold n'est plus Bold. On sent bien qu'un truc cloche depuis quelques courses, et si sa seconde place dans le Prix d'Eté pouvait trouver des explications dans l'état de la piste et la dureté d'Aubrion du Gers à son intérieur, et si celle du Bourbonnais, où il rentrait, montrait surtout qu'il avait besoin de ça, on sent que le crack est en-dedans. 

Dans le Bourgogne on avait souligné que même s'il avait globalement très bien couru, finissant sur le pied de 07"5, c'était surtout son jaillissement que l'on trouvait moins bon qu'avant. Je vous invite simplement à revoir, ci-dessus son Prix de Belgique il y a 2 ans, ou sa Triple Couronne l'hiver dernier. A chaque fois qu'il est décalé par Franck Nivard, le cheval a un passage sur 200m exceptionnel, qui faisait sa grande force, sur le pied de 1"02 ou 1"03 sans doute. C'était sa 6e vitesse, son arme de destrcution massive, qui a fait tant de ravages, pour le plus grand plaisir de nos yeux. 

A présent, on sent que cette 6e vitesse n'existe plus trop, et si le cheval reste capable de jouer les tous premiers rôles dans l'Amérique, ça sera sans son arme favorite. Pour quelle raison ? On peut en invoquer plusieurs. Mais sans remettre en question le programme du cheval, ni même ce qui s'est passé dans l'Elitloppet l'an dernier, on peut penser une chose : Bold ne s'amuse plus trop. 

En lisant l'interview de Pierre Pilarski ce matin dans Paris-Turf, on a eu le même ressenti que son propriétaire. J'ai fait le parallèle sur Twitter avec un footballeur de génie, auquel Bold me fait beaucoup penser : Ronaldinho. "Ronnie" sur un terrain de foot s'amusait, jouait avec ses adversaires, inventait des choses comme dans une cour d'école ou dans son quartier de jeunesse. Il est devenu moins fort sur le terrain à partir du moment où l'on sentait que ça ne l'amusait plus.

Bold Eagle c'est Ronnie en version équine (aucun rapport avec la dentition du footballeur, je suis pas comme ça...). Le même genre de génie, de caractère aussi. Il aimait à s'amuser avec ses rivaux, à jouer avant la course, à piaffer d'impatience, sûr de sa force, de sa supériorité. Il en faisait le zouave au heat et inquiétait tout le monde, mais lui savait ce qu'il faisait, car c'est sans doute l'un des chevaux les plus intelligents que l'on ait vu à ce niveau. 

Depuis quelques courses, le cheval ne fait plus le zouave au heat, beaucoup moins juste avant le départ aussi. On a dit que c'était l'expérience qui rentrait. On peut avoir une autre lecture de ce comportement-là : et si Bold n'avait plus envie de jouer ? Et si la répétition des efforts avait entamé sa joie de courir ? Sans l'avancer comme une certitude, la question mérite d'être posée sérieusement. 

Parce que quand Bold arrive à hauteur de Bird dans le dernier tournant hier, même Franck est quasiment sûr de son fait, il en a fait part après. Le Bold d'il y a un an se serait envolé dans la ligne droite, sans sourciller. A présent, il semble même rechigner à la tâche, comme pour dire : "Stop ! J'ai plus envie de jouer, tout le monde sait que je suis le meilleur de toutes façons, alors pourquoi continuer de me demander de le prouver ?"

Bref, c'est ma lecture, mon hypothèse sur la chose, et non une critique envers un cheval que j'adore depuis plusieurs années, avant même qu'il ne soit reconnu comme le crack des cracks.

Mais justement parce qu'on l'aime, on a envie de croire qu'il est si malin qu'il va attendre le dernier dimanche de Janvier pour remontrer à tout le monde qu'il est toujours le meilleur, que sa 6e vitesse et son accélération prodigieuse sont toujours bel et bien là, mais que, comme Ronnie, il choisit ses matchs, ou plutôt ses courses. 

Et pour le reste ? 

Le reste, on n'a pas vu grand chose pour être tout à fait honnête. Belina, accrochée un court instant avec Readly Express, s'est montrée fautive, Carat Williams a ramené le même Readly et a fini de nous convaincre que lui non plus n'était pas au sommet de sa qualité. Par contre on a vu un excellent Takethem prendre la 4e place, devant Treasure Kronos, et un Valko Jénilat pas mal du tout en retrait, couru caché et ferré. Lionel et Briac Dark se sont quant à eux montrés aussi un peu décevant même s'ils étaient juste là pour peaufiner leur préparation. 

Et maintenant ? Nous voilà à J-13 du grand rendez-vous hippique de l'année, et on a hâte de voir ce que cela va donner, en espérant que Twister Bi, qui a un souci pulmonaire, soit à 100% de ses moyens le jour J car on ne l'oublie pas, pas plus que Propulsion, pas plus que Belina dont on sait que JMB aura fait un boulot d'horloger avec elle. 

Plus que jamais, on a hâte d'être au 28 janvier, et de voir une course d'anthologie, l'une des plus relevées de ces dernières années.